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Fit for 55, c’est le nom donné aux lois européennes qui visent à lutter contre le réchauffement climatique. C’est dans cette optique qu’a été votée l’interdiction des moteurs thermiques à l’année 2035.

Toutefois, le vote du 08 juin 2022 pose question. Si la recherche d’une émission de CO2 à zéro pour les voitures et les camionnettes est une ambition louable, compter sur des technologies comme celle du moteur électrique risque d’engendrer des émissions de CO2 encore plus importantes.

Ce que cache le moteur électrique, qui est actuellement la première technologie en lice pour remplacer les moteurs thermiques, c’est la « croissance minérale ». Pour mieux comprendre ce à quoi nous faisons référence, entrons dans le vif du sujet pour comprendre les conséquences du vote d’une courte majorité de députés (339 députés européens sur 612 présents).

La fin du moteur thermique annonce une augmentation de l’exploitation minière

Le vote de la fin du thermique est une bonne nouvelle pour des entreprises comme Tesla, et les grands groupes que sont Ford, GM, ou encore Honda, qui ont toutes massivement investi dans le moteur électrique.

Pour ce qui est de l’environnement, rien n’est moins sûr. Le moteur électrique n’est rien sans sa batterie. La batterie n’est rien sans ses métaux. Et ils sont nombreux, puisqu’on en compte 70, soit quasiment autant qu’en compte le tableau périodique de Mendeleïev.

Autrement dit, qu’ils soient rares ou relativement communs, l’augmentation croissante des batteries électriques pour les futurs véhicules rendra l’exploitation minière encore plus importante. Le problème repose justement sur les taux de rejet de CO2 des mines.

A l’heure actuelle, l’exploitation minière représente la moitié des émissions de CO2 et 80% de la perte de biodiversité, dont 7% des pertes annuelles de forêts dans les pays développés. Une pollution couplée à une hécatombe, que le vote du Parlement européen du 08 juin 2022 vient de renforcer.

Une décision illogique d’un point de vue environnemental, surtout quand on sait que l’impact écologique des véhicules à propulsion thermique, en terme de CO2, représente seulement 9% des émissions au niveau mondial.

Dès lors, comment favoriser l’essor d’une industrie minière responsable de 50% des émissions de CO2 pour mettre fin aux 9% des émissions du secteur automobile ? Peut-être en réfléchissant non pas en terme de réalisme, mais bel et bien de dogmatisme, car l’extraction des métaux a des réalités bien à elle.

Des tonnes de roche pour quelques grammes de métaux

Tout le problème repose sur l’interprétation des chiffres. Le moteur thermique, c’est 17 000 litres de pétrole consommé au cours de son cycle de vie, contre seulement 30 kilogrammes de métaux pour les batteries au lithium-ion.

L’émission de CO2 engendré par la production de telles batteries a donc tendance à passer au second plan, surtout lorsque l’on ne s’intéresse pas aux concentrations de métaux dans les roches. Ainsi, il faut dans les meilleurs cas :

  • 1 tonne de roche pour extraire jusqu’à 25 grammes d’or,
  • 10 à 40 tonnes de roche pour extraire 31 grammes de platine.

A titre d’exemple, la mine de Tâimyr, en Russie, procède à l’extraction d’une tonne de roche pour en tirer 0.03 gramme de platine, 0.01 gramme de palladium et 0.01 gramme d’or.

Pour faire face à la hausse de la demande, les compagnies minières s’intéressent désormais aux mines sous-marines. Un défi technologique dont les rejets de CO2 ne pourront qu’aller croissant face à la difficulté de la tâche, le tout sur fond d’énergies renouvelables.

Le véhicule électrique est-il réellement plus vert que le thermique ?

Toute la question repose dans les méthodes de calcul et les chiffres qui y sont associés. La télévision belge RTBF rapportait qu’il fallait rouler 697 612 kilomètres avec un véhicule électrique pour qu’il soit plus vert qu’un véhicule à propulsion thermique.

L’université de Liège s’est donc penchée sur la question et a fait des estimations pessimistes et optimistes :

  • Prévisions pessimistes : 298 507 kilomètres à 671 641 kilomètres à parcourir,
  • Prévisions optimistes : 67 226 kilomètres à 151 259 kilomètres à parcourir.

Il faut juste ajouter une chose : les universitaires n’ont pas pris en compte les émissions de CO2 résultant de l’exploitation minière.

Pour ce qui est du nombre de kilomètres parcourus par les plus vieux véhicules durant leur cycle d’utilisation, il serait de 250 000 kilomètres pour un moteur diesel, et de 150 000 kilomètres pour un moteur essence. On est bien loin des 671 641 kilomètres de la valeur la plus pessimiste.

D’après EDF, la durée de vie d’une batterie de véhicule électrique serait actuellement de 1000 à 1500 cycles de recharge, soit entre 200 000 et 500 000 kilomètres. Avec la version optimiste, et hors émissions de l’industrie minière, la voiture électrique a donc une chance d’être plus verte que la voiture à moteur thermique.

Puisque l’herbe ne semble pas être plus verte du côté de l’électrique que du thermique, ne serait-ce pas le signe qu’au-delà du type de propulsion utilisé, ce qu’il faudrait changer est en fait notre manière de vivre ?

Sauver le climat demande de changer les mentalités

Mettre un grand coup de frein aux émissions de gaz à effet de serre ne peut pas passer par un nouveau mode de propulsion de nos véhicules, mais bien par un changement de nos mentalités.

Ne vous êtes-vous jamais demandé, lorsque vous êtes piéton ou cycliste, où tous ces gens dans leurs voitures peuvent bien aller, et d’où peuvent-ils bien venir ? Notamment à Paris, lorsque l’on sait qu’il existe le métro, le RER, le bus, le vélo, la trottinette, etc. Viennent-ils seulement de loin ?

La réponse fait froid dans le dos. Le Monde révèle que 42% des gens travaillant à moins de 1 kilomètre de chez eux font le trajet en voiture. Est-ce que cela vous rappelle votre voisin qui va chercher son pain à la boulangerie avec sa voiture ?

Le problème s’accentue avec le nombre de kilomètres, puisque pour un trajet d’un maximum de 5 kilomètres, le nombre de personnes prenant leur véhicule est de 60%. Pour faire simple, cela correspond à 15 minutes de vélo à une moyenne de 20 kilomètres par heure, soit 30 minutes de vélo par jour (on ne parle pas d’un vélo électrique, mais du bon vieux vélo à propulsion musculaire).

Quand on voit aujourd’hui des enfants de huit ans aller à l’école en trottinette électrique, des travailleurs de trente ans, en pleine santé, prendre leur vélo électrique pour se rendre au travail, on peut se dire que le changement de mentalité n’est pas pour demain, et que les députés européens avaient finalement peut-être raison : allons dans le mur, mais allons-y en propulsion électrique.